Blog de Rawa-Marie Pichetto
Écriture spontanée, sans fioritures...

Ce blog est un récit.
Le récit de "personnages en quête d'auteur", comme dirait Pirandello...
Il s'agit de passer l'énergie sous forme de mots et d'images avec toute la difficile alchimie du Verbe et de ses diverses articulations.
Alchimie que l'on trouve au théâtre.
Les planches m'ont appris ce mystère incroyable que l'on trouve dans les mots. Ces mots qui nous touchent, nous caressent, nous procurent du plaisir. Les mots qui parviennent à notre peau, sensuellement parfois. Et nous n'en sortons pas indemnes.
J'emprunte à tout ce monde de la scène - théâtre, cirque, danse, théâtre dansé, ... - sa magie, afin qu'il en tombe par-ci et par-là...


En contrepartie du "chapeau" de ce blog (la citation de Paul Valéry), je pense à ce poème de Charles Baudelaire dans les Fleurs du Mal :

'Correspondances'
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

samedi 23 septembre 2017

Ta mort s'accumule dans des strates qui se superposent les unes sur les autres.
Plus le temps passe, plus je sens le silence s'épaissir. Le silence de l'absence.
Cela me fait peur, car j'ai peur de "t'oublier" dans le tumulte du silence. J'ai peur du temps, celui qui nous vole à nous-mêmes...

Il n'y a que moi qui pense à ton souvenir dans mon entourage proche... Et c'est logique.
Il reste de toi mon identité. Mon histoire ici.
Mais tout s'entoure de silence, d'absence. Comme si rien ne pouvait se valider et que tout était pétri de vent.
L'épisode avant ta mort, la fin de notre histoire, tout cela a comme invalidé un pan entier de la vie que j'ai construite avec toi et qui est pourtant la mienne, et qui a formulé et déterminé une partie de nos sorts... C'est impossible de considérer que c'était du vent. C'était cette histoire, aux contours irréalistes parfois, qui a fondé une partie cruciale du sort de deux êtres. Et leurs entourages respectifs aussi.

15 ans, 16 ans... Mon histoire s'est fondée sur cette "blessure". En prendre conscience c'est vivre et non subir.
Quand je me suis relevée, j'ai trouvé que tout était ruines autour de moi.

jeudi 21 septembre 2017

J'ai vécu le deuil de ton départ toute seule. Absolument toute seule. Comme si je vivais dans l'ombre. L'ombre de mon histoire et de moi-même. Je n' "existais" plus, car d'une part je n'avais plus le droit à une existence légitime, d'autre part il était difficile de parler de toi compte tenu de l'étrangeté de notre relation.

Roland Barthes, dans son livre Journal de Deuil - qui constitue des notes prises durant des mois après le décès de sa mère - a été presque mon seul "compagnon" de tristesse, d'étrangeté. Dans ce Journal de Deuil , que je n'ai pas encore fini de lire car je picore par-ci par-là quand je peux lire ce genre de textes, j'ai trouvé beaucoup de correspondances entre ce qu'il a vécu et ce que j'ai vécu.

Je continue à construire. Ton départ m'a "larguée" dans la vie. Il a fallu que je me débrouille toute seule moralement, que je goûte à l'amertume de la mort, son existence réelle. Je vis avec ton absence, comme avec une ombre. Elle est là, mais je ne la vois pas.
Des strates se sont accumulées depuis ta mort.

Tu sais, le banal c'est cet instant ou l'autre, quel qu'il soit, te regarde avec un œil qui ne brille pas. A cet instant précis, tu as l'impression comme si tout ce que tu vis n'avait pas d'importance. Que tout peut se solder dans le flux incessant des événements. Que tout rentre dans une case pré-existante. On range ton "affaire", si précieuse à tes yeux, dans une case. Et voilà, ton histoire, si particulière, devient banale...
Banale la mort d'un ami proche comme un frère!
Banale les répercussions de cette mort sur les êtres qui l'ont aimé, etc.
Car tout est catégorisé, tout est explicable par la super-science de notre culture moderne qui veut tout guérir, tout maîtriser...
Une civilisation qui veut que le "ça baigne" soit la règle. On ne peut plus être triste, fatigué, etc.
Une société qui ne supporte pas ce qui ne va pas. Et donc, il faut se faire traiter et se taire.
On ne supporte plus, pas ce qui peut perturber la marche de l'économie. Tout doit rentrer dans l'ordre établi.

Depuis ton départ, suivi quelques mois plus tard par la campagne des élections présidentielles, et tout le vécu douloureux de cette période plus la prise de conscience, j'ai changé de prisme de lecture de la période que nous vivons, ainsi que des valeurs fondamentales politiques et sociales.
Tous les masques sont tombés tout d'un coup devant mes yeux. La grande farce est apparue sous un grand soleil qui la dévoile avec une netteté absolue.

Et voilà !

- Bientôt un an depuis ton départ! C'est affolant.