Blog de Rawa-Marie Pichetto
Écriture spontanée, sans fioritures...

Ce blog est un récit.
Le récit de "personnages en quête d'auteur", comme dirait Pirandello...
Il s'agit de passer l'énergie sous forme de mots et d'images avec toute la difficile alchimie du Verbe et de ses diverses articulations.
Alchimie que l'on trouve au théâtre.
Les planches m'ont appris ce mystère incroyable que l'on trouve dans les mots. Ces mots qui nous touchent, nous caressent, nous procurent du plaisir. Les mots qui parviennent à notre peau, sensuellement parfois. Et nous n'en sortons pas indemnes.
J'emprunte à tout ce monde de la scène - théâtre, cirque, danse, théâtre dansé, ... - sa magie, afin qu'il en tombe par-ci et par-là...


En contrepartie du "chapeau" de ce blog (la citation de Paul Valéry), je pense à ce poème de Charles Baudelaire dans les Fleurs du Mal :

'Correspondances'
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

mardi 22 novembre 2016

Conversation à ciel étoilé - 2 
Pour la mémoire de Bernard Pichetto   
 
Naissance

Pittoto *,
Ça fait longtemps que je ne t'ai pas écrit! Mon inspiration s'est barrée d'un coup de vent. Un vent qui a "soufflé" un peu fort là-bas, dans cette maison où on** a vécu tant de choses.
** On = cette bande d'amis que nous étions, partageant comme disait l'un d'entre nous : partageant nos solitudes. Nous partagions aussi l'amitié, le pain et la bonne humeur malgré tes douleurs et les miennes, malgré la situation, à cette époque-là, d'une relation difficile à définir : mélange d'amitié, de fraternité et de grande affection. 
Je suis revenue dans ton ancienne bibliothèque où des rayonnages longs s'étalent sur des lits de poussière - pour faire l'image à l'envers! En réalité, ce sont les livres qui sont couverts de poussière, d'un temps qui est passé, sans vraiment passer. Un temps arrêté comme une pendule qui ne marche plus.
Je n'aime pas les pendules qui ne marchent plus.

Il est difficile de te savoir loin. Car je sais que tu es loin. Je t'écris pour réanimer ton esprit qui ne peut pas mourir. Mais des fois, le souffle me manque.
Tu sais bien que j'ai des problèmes de souffle... depuis ma toute petite enfance. Le souffle coupé ... de ce monde épuisant.
Il faut toujours réanimer la flamme, porter ce petit feu tout doux (ce terme " tout doux" était ton terme préféré à un moment donné.) Tu m'as appris ce souffle doux qui apaise. Comme la lumière d'une bougie.

Demain, 23 novembre, c'est ton anniversaire de naissance.
Tu n'as jamais aimé les dates et tu ne retenais que très peu les dates d'anniversaires.
Lou, ce dimanche au marché, a pris un petit bouquet de fleurs. Elle m'a dit : c'est pour Pittoto. Rien à voir avec ton anniversaire car je ne lui en avais pas parlé. Mais il y a un bouquet de fleurs qui t'est dédié dans l'appartement, celui que tu n'as pas connu et que tu aurais certainement aimé. Mais tu es avec nous. C'est ça qui me fait chaud au cœur. Ta présence virtuelle, ton esprit qui reste avec nous et dans notre mémoire malgré l’extinction de ta voix, qui était mélange de chaleur, sourire, affection, humour, et gentillesse. Voix très chaleureuse et enveloppante, avec une tessiture importante (c'est toi qui m'as appris ce mot "tessiture") lorsque je découvrais avec toi certains interprètes du chant baroque.

Je dois m'habituer à ce type de silence que tu as choisi. C'est pas facile. J'aimerais tant croire à la vie après la mort pour te sentir.
J'ai enfin compris ton terme répété pendant 15 ans : je sème. Oui, tu semais et je ne le réalisais pas bien. Maintenant je comprends.
Mais avec moi tu n'étais pas patient et tu voulais que j'avance plus vite que je ne le pouvais... Moi qui respire mal. J'aimerais bien arrêter de "courir" au fond de moi et juste être. Mais je vais être contre-courant. Le monde court et nous devenons tous "speed", car il faut y aller, car on n'a pas le temps...
Le Temps va nous rattraper tous pour nous apprendre à vivre!
Voudrais-tu que je te raconte les dernières nouvelles de la primaire de la droite en France ? Je crois que tu ne  veux pas, car tu sais déjà où on va.
Nous sommes à une époque où les électeurs de gauche votent dans les primaires de droite pour écarter des candidats peu "amènes" dont celui qui nous a gouvernés de 2007 à 2012.
Les élections de 2017 vont être sans doute et quel que soit le candidat, la réalisation de ce qu'on a évité en 2002 en votant "utile". Le vote utile nous conduit vers le non-vote.

On trinque à l'occasion de ton anniv' demain ? :)
Bon anniversaire Pittoto

* Pittoto = dérivé enfantin de Pichetto 




samedi 12 novembre 2016

Conversations à ciel étoilé
Toujours pour la mémoire de Bernard Pichetto  

11 novembre 2016

Léonard Cohen** est décédé aujourd'hui Pittoto* ! 82 ans… C'est curieux cette coïncidence ! Il est mort quelques jours après l'élection de Trump aux US !
Je sais ce que tu aurais dit à propos de cette élection… toi qui voyais l'Occident partir à vau l'eau depuis longtemps… Cela ne t'aurait point étonné !
Nous allons mal ; ce monde est fatigué. On en a souvent parlé par mails ces deux dernières années, depuis l'attentat de Charlie Hebdo.
(* "Pittoto" = dérivé enfantin de "Pichetto") 

** Tu n'étais pas très « fan » de Léonard (comme je l'appelais). Son rythme ne correspondait pas à ton côté virevoltant. C'étaient des musiques comme les partitas de Bach - entre autres ! - notamment interprétés par Glenn Gould que tu aimais beaucoup, ce genre de musique où une quintessence subsiste dans les sons, où on a l'impression d'écouter un esprit pur transformé en sons.
Tu aimais beaucoup Vivaldi qui épousait parfaitement ta célérité, ton esprit vif…
Mais l’œuvre dont tu parlais le plus (tu avais presque toutes les interprétations), c'était les Stabat Mater.
Tu avais un goût très éclectique concernant la « zique » (tu disais ce mot quand tu parlais le langage « jeune » toi qui savais imiter beaucoup d'accents et de parlers…). Ta play-list était tellement variée que parfois on pouvait y entendre des choses vraiment drôles et inattendues…
La musique t'inspirait le rythme de tes mots, à l'époque où les « rêves » étaient possibles encore…

- Quand je t'écris, je vois ton sourire et ta « légèreté », cet air qui passe en douceur enrobé du sourire… un être peu pesant et dense en même temps. Nous en avions parlé une fois : la légèreté de la densité, mais il faut que je retrouve cette correspondance.

La mort de Léonard Cohen m'a laissé un sentiment « calme ». Et tu sais combien je l'aime et aime sa musique qui respire d'un rythme qui épouse ma tendance aux rythmes calmes et tranquilles, qui ressemblent aux mouvements d'une mer calme.
Je n'ai pas senti de « choc » particulier, car je vois la mort d'une autre manière maintenant, comme si cette « inconnue » commence à me devenir un peu familière… source de « silence » particulier, celui des mortels. Lorsque la parole, diffuse, s'arrête, pour laisser la place à l' « esprit » pour actionner son alchimie nécessaire à la « vraie parole », celle ciselée, travaillée, silencieuse et calme.

L'esprit ne meurt pas. C'est le support qui change. A nous de le saisir « au vol » et porter le flambeau.
Nourrir cette flamme. Que je sens paisiblement quand je pense à toi ou, comme l'occasion le permet, quand je pense à la musique d'un Léonard Cohen, et la poésie délicate qu'il a écrite.

12 novembre 2016


- Je viens de lire une info qui m'a fait sourire, je ne sais pas pourquoi : «  La plus grande super Lune du siècle aura lieu le 14 novembre » :
«  Il va se produire ce lundi 14 novembre un phénomène appelé "super Lune". Cela signifie la concomitance de deux phénomènes astronomiques : la phase de pleine Lune presque au moment où l'astre, dont l'orbite est elliptique, est au plus près de la Terre. Elle nous apparaît donc plus grande et plus brillante que la normale. » 
http://france3-regions.francetvinfo.fr/poitou-charentes/plus-grande-super-lune-du-siecle-aura-lieu-14-novembre-1128827.html

Cela fait 70 ans que ce phénomène ne s'est pas produit !

Le mois de novembre est le mois de ta naissance… ! :)

Mes élucubrations prennent fin ce soir, la veille du 13 novembre 2016 : un an jour pour jour depuis les attentats au Bataclan ! J'étais assise derrière mon ordi lorsque successivement je voyais les infos passer… Mon évier était bouché : au même moment où je voyais les saletés sortir de l'évier, je lisais les infos du Bataclan… Ce soir-là a été lié à jamais dans ma tête à l'image d'une société humaine générale, où les saletés débordent de partout. Aujourd'hui l'image se reconfirme.
On a eu un long échange via la messagerie de facebook où je t'avais écrit mes impressions après le choc, et tu m'as répondu avec ta même vision de ce monde fracturé… et en me disant à la fin d'une réponse : « Oui, vous êtes dans la merde ». Tu t'étais déjà retiré du « jeu »

Bonne nuit ! 












dimanche 6 novembre 2016

Pour la mémoire de Bernard Pichetto
 
-
Cette Musique que tu aimais tant...

- 3 novembre 2016 -
Tu rentrais de tes réunions nocturnes vitre de la voiture ouverte sur des routes de campagne entre deux villages d'une région française habituée à un autre type de musique et une autre culture, et tu mettais Fairouz* à fond... toi le vieux charentais comme tu disais...
Tu ne comprenais pas pourquoi la musique orientale te parlait profondément! Tu allais jusqu'à élucubrer sur d'éventuelles origines "génétiques" communes entre toi et moi puisque tu avais des origines italiennes directes par ton père et que tu avais des envolées imaginaires dignes des "fous" de la science. 
Ton imagination était très fertile... trop parfois et tu créais à tout bout de champ.
Tu aimais presque inventer, ré-écrire les choses.... et Transmettre. 
Tu me disais des choses que je ne comprenais pas parfois... A 29 ans trempée dans les lettres et les rêves de mon avenir incertain..., je ne comprenais pas ta physique quantique et ta philosophie. Mais tu m'attirais comme un astre, moi qui suis les maîtres comme un disciple en quête de chemin.

Je lis le chemin comme un livre et il est fort et douloureux.

Qu'as-tu voulu dire par ta disparition!

Tu n'avais jamais eu peur de la mort. Tu me le disais souvent... 

*(Chanteuse libanaise très connue).


- 6 novembre 2016 -
A qui je vais écrire mes élucubrations ?
Par exemple une musique dénichée ici ou là et la partager avec toi ?
(Généralement tu m'envoyais des liens YouTube de musique que tu écoutais en fin de nuit. Des fois du classique et parfois ta musique de "ouf"! 
- D'ailleurs Sébastien ne comprenait pas comment tu écoutais ce type de "zique").
Tu étais plein de vie signore Pichetto! Plein d'humour. 
Par exemple, lors d'un courriel où je m'inquiétais de ta santé à propos d'un détail sur le plan de tes analyses, tu m'a répondu alors : « t'inquiète cacahuète » ☺
Tu avais ce genre de phrases drôles, légères, malgré la gravité... Des phrases qui laissent un sourire dans le cœur. Un sourire qui irradie jusqu'à maintenant.

J'écoute Lucas Debargue** Pittoto, que Sébastien m'a fait découvrir. Un jeune pianiste virtuose que tu aurais adoré. On t'a fait une copie de son premier disque cet été mais je ne sais pas si tu as eu le temps de découvrir ce garçon passionné et atypique. Je t'en parlerai plus tard, car ça mérite une page à lui seul !!
Vers fin avril, quelques semaines avant ton diagnostic, je t'écrivais inquiète de toi. Et à la fin de ton mail, tu m'as écrit ceci :
«  Et oui, je ne sais pas quand j'aurais le temps de discuter des heures... Tu apprendras à faire tourner les tables !!! ».
J'apprendrais à faire tourner les tables pour te « parler »... Moi l'athée, rationnelle... j'ai très envie de parler aux « esprits », pour te retrouver, mais pas que ! Pour te recréer, te ressusciter. Il est trop injuste que tu meures de cette mort brutale, cette maladie qui t'a miné et que tu as affrontée courageusement.
Tu avais tant à dire et à faire... Et je sens ce cœur qui bat encore en moi et qui parle de toi, pour toi, après tant d'années où je n'ai pu rien faire pour t'aider... 


** Lucas Debargue, interprète la sonate en La Majeur de Domenico Scarlatti sur France Musique (avril 2016)


samedi 29 octobre 2016

Toi, la mort et les mots dispersés ça et là ... 

J'ai appris ta mort sur ta page ... facebook ! Toi qui ne disais pas un seul mot de ta vie privée!
Tu es devenu tout-à-coup public, mon ami!
J'aurais bien aimé avoir ton analyse sur le rôle du réseau social lors d'un décès, la gestion de l'identité du défunt, etc.
On a écrit beaucoup de choses sur toi, des mots que tu aurais aimé entendre de ton vivant... Des mots très beaux, très justes. Certains de tes amis et/ou connaissances avaient saisi de toi une quintessence... qui a besoin de temps pour être comprise !

J'ai beaucoup de mal à croire à ton "départ", tes mots habitent ma pensée. Malgré nos échanges peu joyeux les 3 derniers mois avant ton décès...
Cela n'enlève rien à la connaissance intime que j'ai de toi.

J'ai envie de te parler... comme je l'ai toujours fait.

Je ne sais plus où me situer puisque dans la réalité "réelle" d'avant ta mort, j'étais virée. Mais dans la réalité de mon coeur il y a quelque chose de bizarre qui me parvient... : Victor-Emmanuel !




On a toujours "glosé comme des marins ivres d'embruns" tu m'écrivais cet été, cette belle image de nos échanges et tendance à parler, parler, parler...
J'ai envie de rendre hommage à la beauté, malgré toutes les blessures. La beauté de ce que tu as été et de ce que tu as diffusé. Que je connais si bien.

Accepter le démon et l'ange... Accepter nos contradictions, nos hallucinations et continuer, dignement, amplement, d'une manière loyale.