Blog de Rawa-Marie Pichetto
Écriture spontanée, sans fioritures...

Ce blog est un récit.
Le récit de "personnages en quête d'auteur", comme dirait Pirandello...
Il s'agit de passer l'énergie sous forme de mots et d'images avec toute la difficile alchimie du Verbe et de ses diverses articulations.
Alchimie que l'on trouve au théâtre.
Les planches m'ont appris ce mystère incroyable que l'on trouve dans les mots. Ces mots qui nous touchent, nous caressent, nous procurent du plaisir. Les mots qui parviennent à notre peau, sensuellement parfois. Et nous n'en sortons pas indemnes.
J'emprunte à tout ce monde de la scène - théâtre, cirque, danse, théâtre dansé, ... - sa magie, afin qu'il en tombe par-ci et par-là...


En contrepartie du "chapeau" de ce blog (la citation de Paul Valéry), je pense à ce poème de Charles Baudelaire dans les Fleurs du Mal :

'Correspondances'
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

dimanche 26 juillet 2015

Bribes de vie

" Nous échangeons de temps en temps, sur des vieux rails... abandonnés, quelques réflexions, quelques méditations, et nous refaisons le monde à notre façon, noire et belle comme les étoiles la nuit...
Je retrouve cette vieille voix que j'avais connue jadis ; celle qui épouse mon esprit.

Dans une vieille voiture qui me transporte la nuit, je pense à lui soudain. Je pense à cette histoire infinie. Une peur me saisit. Je l'appelle.
" Tu t'en vas ce soir ?. Fais attention à la route, il y a des orages."
- ....
- " Oui, je sais, mais les orages l'été me transmettent des choses bizarres depuis l'année dernière".
- " Oh, tu sais demain toi ou moi on risque de mourir, c'est le jeu."
(Sourires...).
Le lendemain : " Alors, tu n'es pas mort ! Moi non plus, j'ai remis ! "

L'histoire d'une complicité... 
Des fois, je lui chante à distance :" Quand, reviendras-tu ..." 
Et il m'envoie ses "étoiles"."

samedi 25 avril 2015

Fragilité


Parfois, nous avons la fragilité d'une pâte à pain, fraîchement pétrie, ou qui sort d'une longue fermentation. Nous la prenons entre les mains, tout doucement. Elle est moelleuse, fraîche, douce, agréable à porter, ayant un toucher difficilement comparable à d'autres.
Cette pâte à pain a sa force : élastique, extensible, rebondit si on appuie sur sa surface. Mais elle a cette fragilité de nos êtres ; si on ne sait pas se comporter avec elle, nous la perdons et elle retombe entre nos mains, perdant ses forces et son potentiel de futur bon pain.

Pour avoir pratiqué la panification pendant un an, je sais de quoi je parle... Ces pâtes moelleuses et douces, je les ai portées dans mes mains longtemps, et les ai suffisamment aimées pour m'occuper d'elles jusqu'à la dernière minute avant la cuisson... Ce pain que je confectionnais avec affection, élevant un levain naturel tous les jours...

Aujourd'hui, je compare cette jeune femme que j'ai rencontrée il y a quelques jours lors de mes infinies pérégrinations, je la compare à ma pâte à pain...
Elle était là, toute intense, toute belle, toute pleine d'un je ne sais quoi qui habillait son être entier d'un état mélange d'une élégance, d'un sérieux, d'un déterminisme, d'une joie, et d'une prise de conscience profonde qui accompagne ces moments graves où quelque chose de fort vient de se passer.
Cette jeune femme avait une beauté intérieure remarquable. Elle était là, sirotant un petit chocolat chaud dans un café, regardant avec ses lunettes noires devant elle, regard sans doute perdu dans des pensées infinies.
Elle m'a demandé si je pouvais lui indiquer l'heure ; je lui ai dit qu'il était presque 10h. Elle m'a remerciée tout doucement, avec une voix basse, intense et agréable. J'ai aperçu un air hagard, un air profondément fragile en elle.
Je n'ai pas compris.

Sans vouloir la déranger, j'ai essayé de lui parler un tout petit peu, car j'ai aperçu sur sa table, un cahier et un crayon.
- Vous aimez écrire ?
Jean Béraud - Au Café (la Lettre)

- Oui ! L'acte physique d'écrire ; j'aime les mots profondément.

Un sourire s'est dessiné sur son visage doux et fatigué. Elle ôta ses lunettes noires. J'ai vu un visage qui ressemble à ces visages amoureux et fragiles, très fragiles.

Je lui ai doucement souri et lui ai dit que je la comprenais dans son amour des mots. Que leur musique me touchait.

Elle m'a inspiré beaucoup de beauté, une douceur infinie que je n'arrive toujours pas à comprendre. Qu'ai-je lu dans ce visage matinal d'un jour ensoleillé dans un café!
Je la sentais totalement ailleurs, comme attachée à une présence invisible.
Je l'ai sentie très seule aussi.

J'aurais aimé lui tendre les mains pour lui donner de la chaleur et de l'amitié. Mais je ne pouvais le faire. Je lui ai re-souri et j'ai pensé à mes pâtes à pain.
J'aurais aimé lui donner cet instant de sérénité que procure l'harmonie. Mais comme le travail des mains et de l'air sur la pâte aident à faire le pain, le travail du temps sur nous aide à construire des ponts de réconciliation entre les êtres, et avec la vie.

La rondeur d'une pâte à pain a une beauté ineffable. Elle ressemble à un sourire maternel.