Blog de Rawa-Marie Pichetto
Écriture spontanée, sans fioritures...

Ce blog est un récit.
Le récit de "personnages en quête d'auteur", comme dirait Pirandello...
Il s'agit de passer l'énergie sous forme de mots et d'images avec toute la difficile alchimie du Verbe et de ses diverses articulations.
Alchimie que l'on trouve au théâtre.
Les planches m'ont appris ce mystère incroyable que l'on trouve dans les mots. Ces mots qui nous touchent, nous caressent, nous procurent du plaisir. Les mots qui parviennent à notre peau, sensuellement parfois. Et nous n'en sortons pas indemnes.
J'emprunte à tout ce monde de la scène - théâtre, cirque, danse, théâtre dansé, ... - sa magie, afin qu'il en tombe par-ci et par-là...


En contrepartie du "chapeau" de ce blog (la citation de Paul Valéry), je pense à ce poème de Charles Baudelaire dans les Fleurs du Mal :

'Correspondances'
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

vendredi 24 octobre 2014

Les villes


Parc.
(Observations suite à une pause dans un parc).

Dans un parc, la vie n'est plus la même. Les pas changent et les bruits aussi.
Dans un parc, on entend lorsque les gens parlent car les voix sont détachées du bruit des voitures ambiantes des villes en mouvement continu et rapide. La voix est belle, raconte des histoires de tous les jours, des peines, des causeries de jeunes filles, ou celles des jardiniers du parc, leurs petits commentaires et leurs vies de jardiniers...
Dans un parc, les gens se posent.
Les mouvements sont plus lents. Les gens ne sont pas pressés. Ils sont assis tranquillement. Parfois, si c'est l'heure du déjeuner, ils mangent.
Certains lisent ou téléphonent dans un coin, doucement.
Certains sont seuls, agréablement. Ils se posent sous le soleil tranquille, de l'automne par exemple...
Dans un parc, on respire. Non seulement parce que l'oxygène y est plus présente que dans les rues encombrées par la pollution des voitures ! Mais aussi parce que nous allons moins vite.
Dans un parc, on revit.
Dans une ville, nous avons perdu notre sentiment d'être. Nous sommes pris par le mouvement incessant.
La ville a perdu son âme, depuis les voitures et depuis tant d'autres choses qui nous détachent les uns des autres, créent des distances froides, par la peur et la vitesse qui nous broie. Nous ne voyons plus rien. Y compris, nous-mêmes.

jeudi 23 octobre 2014

Les villes

 

Une Toulousaine d'Alep

Vivre dans une ville depuis 18 ans, la voir évoluer et changer petit-à-petit, voir, dans ses rues et leurs métamorphoses, le temps qui est passé, les magasins qui ont changé, les voitures qui y disparaissent petit-à-petit donnant lieu aux pas des piétons qui les remplissent vite..., et un soir, tomber sur des photos anciennes de la ville - dans l'expo photos Doisneau et Dieuzaide - et sentir une émotion particulière, difficile à comprendre ! Elle est sans doute le fil temporel qui s'étale derrière nous et nous raconte, indirectement, notre propre histoire avec une ville... Lorsque nous y sommes arrivés jeunes pour certains, ou plus vieux pour d'autres... Toulouse a été la ville-accueil et sans doute refuge après Alep de laquelle me parvient toujours autant, et malgré tout : l'odeur de sa savonnette, ses épices, et les très "joyeuses" pistaches rouges que je dévorais délicieusement...
Entre Alep et Toulouse, il y a un pont... sans doute celui de cet être que je suis et qui arpente amoureusement les villes, leurs rues, et tout autre lieu, essayant d'oublier les frontières et rêvant d'une humanité sans frontières, car entre Toulouse et Alep, il y a l'amour au fond de moi et rien d'autre...






"Le travail des mains sur la pâte est pareil à celui du démiurge qui façonna le corps des hommes, et le levain est pareil au ferment même de la vie." 

J.M.G. Le Clézio, ‘L’inconnu sur la terre’.

Parce que le pain est une initiation à la vie, et à la vie de la matière et des éléments... Parce que je suis passionnée de pain surtout depuis le temps que j'ai commencé à le faire moi-même, pétrir la pâte et m'occuper du levain : un véritable "être vivant", un peu invisible avec ses petites bêtes qui s'agitent dans un bocal... Parce que c'est une histoire d'eau, d'air, de farine et de sel... qui nous apprend à respecter le temps, les éléments et la chimie entre eux, à être humbles aussi, et à comprendre ce que nos ancêtres, nos grand-mères mêmes, faisaient avec leurs mains pour vivre et survivre... Faire le pain est la vie. Il crée autour de soi une belle ribambelle de rituels, et nous apprend à aller moins vite, à attendre et respirer.

Photo de Jorge Sarmento. http://jorgesarmento.com/set/making-bread-in-centenary-hoven/


mardi 7 octobre 2014

Humeurs poétiques.

Petites notes de lecture : "La Mémoire et la mer" de Léo Ferré.


Il y a des textes qui nous happent, s'emparent de nous, nous envoûtent et nous possèdent.
Il en est ainsi de " La Mémoire et la mer" de Léo Ferré...

Un texte puissant. Il tape, il cogne comme une vague au bord de la mer, lorsqu'assis, nous la recevons en plein corps...
" La Mémoire et la mer" que j'écoute en boucle depuis des jours... afin de pouvoir m'imprégner totalement du texte... un peu comme lorsque nous nous laissons aller sur le dos de la mer qui nous porte ; nous fermons les yeux et nous oublions la limite physique entre notre corps et le corps de la mer...

Les images poétiques déferlent dans ce texte et sont d'une beauté frappante, tantôt par sa douceur, tantôt par la surprise des correspondances recherchées dans les images tricotées les unes aux autres, évoquant des milliers et des milliers de mondes qui s'enlacent et se croisent...

J'adore cette puissance de la douceur et de la tendresse dans cette image magnifique (c'est moi qui mets en italique) :
" Je suis le fantôme jersey
Celui qui vient les soirs de frime
Te lancer la brume en baiser
Et te ramasser dans ses rimes

Comme le trémail de juillet
Où luisait le loup solitaire
Celui que je voyais briller
Aux doigts de sable de la terre "

" la brume en baisers" , l'évocation est magnifique... ; " te ramasser dans ses rimes"... terriblement belle.

Le passage de la "mathématique bleue" me tombe comme une douceur poétique absolue...

....

En aparté : j'admire également la capacité de Léo Ferré à nous faire revoir, dans certains de ses poèmes, le mot "cul " dépourvu de son usage trivial dans le langage courant...
Dans "La Mémoire et la mer" , le mot "cul" s'élève au rang de la poésie, prend pleinement place dans le poème. Poème dense, d'une haute tension poétique, à lire, relire et surtout écouter par Léo Ferré. La poésie est un art musical avant tout...